Me revoici pour un article lecture avec cette fois-ci La Maison Zen de Keisuke Matsumoto, paru début mars aux éditions L’Iconoclaste. Pour moi qui suis plus qu’intéressée par la spiritualité bouddhiste et également convaincue par les bienfaits que peut apporter un mode de vie plus minimaliste, lorsque j’ai découvert la sortie de ce livre, je peux vous dire que j’ai su qu’il fallait que je le lise, et le service de presse de l’éditeur a eu la gentillesse de le me l’envoyer (merci encore).
Pour vous situer les choses, l’auteur, Keisuke Matsumoto, est moine au temple Kômyôji à Tokyo ainsi que chercheur au Centre de recherche bouddhique de la Terre Pure. Et dans ce livre il partage son expérience (en collaboration avec d’autres moines bouddhistes) du ménage et comment celui-ci a un rôle important dans le fait de mener une vie simple et heureuse. Il nous expose les différentes tâches inhérentes à la vie d’un temple bouddhiste, et notamment l’entretien de celui-ci au gré des saisons, réalisé consciencieusement avec un matériel simple (et des produits naturels!!).
Vous allez peut-être vous dire mouais… et en quoi cela va changer ma vie de savoir comment les moines bouddhistes s’occupent de leurs temples? Et bien en fait c’est là que la magie opère. Keisuke Matsumoto nous invite à considérer cette tâche souvent perçue comme ingrate comme un moyen de prendre soin de soi. Oui oui, l’entretien de la maison peut devenir une source de développement intérieur.
On peut facilement imaginer que vivre dans un espace propre et désencombré appelle à la sérénité, et libère donc l’esprit de bien des stress inutiles, qu’ordonner les objets aide aussi à ordonner les idées. Mais cela va plus loin. il s’agit de transformer cette tâche qu’est le ménage en autant d’occasions pour se reconnecter avec soi-même. Le ménage est un exercice qui consiste à se concentrer sur le présent (que cela soit propre maintenant) et finalement l’esprit fonctionne de la même façon, si on ne le nettoie pas on se retrouve encombré de poussière (attachements, regrets). Et de la même façon que le ménage doit être constamment recommencé, l’esprit lui aussi se trouve en permanence assailli de traces du passé mais aussi d’angoisse, de projections du futur, ce qui nous empêche bien souvent de profiter de l’ici et maintenant. En somme, la pratique d’une activité aussi ‘simple’ que le ménage permet aux moines bouddhistes de purifier leur esprit en même temps que leur temples, alors pourquoi pas nous?
En apprenant a se concentrer sur le présent à travers une tâche aussi simple que le ménage on apprend peu à peu à être présent à soi-même, à s’appliquer dans toutes les petites choses de la vie, à recevoir ce (et ceux) qui se présente à nous de façon sereine, bienveillante en étant disponible mentalement. Et franchement, être présent à ce que nous faisons, ralentir, est plus que nécessaire à l’époque à laquelle nous vivons, dans notre société du toujours plus, toujours plus vite. Il s’agit donc réellement d’un basculement de pensée, le ménage n’est plus une corvée pour enlever quelque chose de négatif (la saleté) mais une opportunité de développer quelque chose de positif en nous. Pour la maison comme pour soi-même constance et présence sont donc les maitre-mots pour entretenir notre espace extérieur au même titre que notre espace intérieur.
Prendre ainsi le temps d’apprécier ce qui nous entoure nous invite à le respecter davantage, à en prendre soin ce qui nous apporte une satisfaction simple (celle d’avoir des vêtements bien repassés, de se glisser le soir dans un lit fait, etc). Mais prendre soin des choses c’est aussi marquer ainsi notre gratitude de jouir de ces objets, et faire preuve de respect pour ceux qui ont mis leur temps, leur savoir-faire et leur énergie à les fabriquer, les ressources que cela a nécessité. Et pour savoir apprécier pleinement chacune des choses que nous possédons et en prendre soin comme elles le méritent il rappelle aussi l’importance de ne pas posséder plus que nécessaire à l’ère où tout devient jetable. Lorsque l’on possède que des babioles dont on n’a pas besoin, on a tendance à ne pas les traiter avec soin.
« la volonté de prendre soin des choses ne se développera pas en nous tant que l’on n’aura pas rencontré un objet que l’on considère comme précieux ».
Il est ainsi plus aisé de mettre chaque chose à sa place lorsqu’on a peu, pour avoir une maison qui respire l’ordre, la propreté et qui apaise naturellement l’esprit. Car lorsqu’on ne possède que ce dont on a besoin, ces objets trouvent naturellement leur place dans notre quotidien. Chaque possession est rangée à une place précise, où elle est remise après chaque utilisation, et est traitée avec attention. Et cette attitude de respect vis-à-vis des objets sera aussi celle adoptée dans les autres aspects de notre vie.
« A notre époque, les rues et les commerces regorgent d’objets identiques ou pour le moins standardisés, la plupart du temps interchangeables. Lorsque l’on en brise un, on trouve bien souvent plus rapide et moins cher de racheter un modèle neuf plutôt que de le réparer.
Or, à trop opter pour cette solution de facilité, ce ne sont plus seulement les objets, mais aussi nos relations et nos liens avec les gens que l’on finit par traiter avec légèreté et indifférence. Et un jour ou l’autre, de lassitude, l’esprit arrive à bout.
Si l’on décide au quotidien de prendre soin de chaque objet tant qu’il peut servir, de le réparer pour le réutiliser, alors notre rapport aux choses en sera modifié, et par voie de conséquence, nos rapports aux gens.Qui ne prend pas soin des choses agit de même avec les personnes ».
Je trouve que l’auteur à travers ces quelques phrases a mis en mots un aspect essentiel du minimalisme qui me tient tellement à cœur, à savoir le respect et la bienveillance que cela suppose. Car une fois de plus, un mode de vie minimaliste ne tient pas seulement à un mode de rapport aux objets différent, cela commence bien souvent par cet aspect certes, mais c’est tellement plus que cela. C’est notre attitude à la vie dans son ensemble qui en est modifiée, notre façon d’appréhender les événements, les gens qui croisent notre route, et notre relation avec notre propre personne.
Je pourrais aussi vous parler de la partie où il expose l’importance de gestes simples comme celui d’ouvrir la fenêtre pour laisser entrer l’air et les bruits de la nature, qui nous permet de nous reconnecter au rythme de la nature de par leurs différences selon la saison. Cela n’est pas vraiment le cas en Europe occidentale mais les japonais sont très attachés au fait d’apprécier le passage des saisons, et le célèbrent à travers différentes pratiques comme celle de changer de garde robe 2 fois par an, d’effectuer un grand ménage en communauté juste avant le changement d’année afin de clore avec gratitude la saison écoulée, pour libérer le cœur de tout ce qui a été accumulé pendant l’année. Ce rituel effectué en famille permet de se reconnecter ensemble, de mesurer avec gratitude ce qui a été accompli et affronté ensemble au cours de l’année et de resserrer les liens. Ces exemples sont autant de pistes pour nous permettre d’être plus présent dans notre quotidien.
Inutile de m’étendre davantage, vous l’aurez compris, ce livre m’a énormément plu (je l’ai d’ailleurs lu deux fois déjà). Au delà du contenu ‘pratique’ et de la dimension spirituelle bouddhiste qui lui est associée dont je viens de vous donner un très bref aperçu, j’ai également aimé le style d’écriture simple, épuré, minimaliste par lequel l’auteur nous livre sa vision de l’activité qu’est le ménage. Ce côté épuré invite à se poser et à élaborer, à laisser travailler notre esprit pour saisir l’essence de cette vie simple que semble être celle de ces moines bouddhistes au mode de vie si éloigné du notre et qui pourtant semble tellement à portée de main si l’on se donne la peine d’être présent à nous-même.
Alors dites-moi, aviez-vous déjà vu le ménage ainsi?
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Un peu ….quand j’ai le temps, j’apprécie de faire le ménage, je divise les tâches au lieu de faire un grand jour de nettoyage et je me sens satisfaite après .
Mais ce livre m’intéresse au plus haut point ! Je vais me le procurer fissa. MERCI
C’est vrai qu’on se sent tellement satisfait quand tout est parfaitement nettoyé.
J’espère que le livre te plaira autant qu’à moi! Il m’a tellement plu que je me vois le relire encore et encore régulièrement.
Merci pour ce billet ! Je suis le traducteur de cet ouvrage, et le fait de m’y être plongé pour le rendre en français a, croyez-moi ou non, radicalement changé ma façon de percevoir le ménage, mais aussi de le pratiquer, et de m’occuper de mes affaires. Il me semble que les enseignements de ce livre sont à rapprocher de la notion de sobriété heureuse, à laquelle on est plus familiers ici. En tout cas, ravi qu’il vous ait plu autant qu’à moi, et longue vie à votre blog. ^^